Arrivée de Michel Orier à la MC2, départ de Yolande Padilla

Texte publié le 06-05-2002 par Jean-Marc ADOLPHE, tiré d'ici



"Juste avant de quitter ses fonctions, la ministre de la Culture a intronisé son conseiller pour le théâtre, Michel Orier, à la tête du Cargo de Grenoble. (...)

Il y avait vraiment urgence! Le 30 avril 2002, quelques jours avant de quitter le ministère de la Culture, Catherine Tasca a nommé son conseiller pour le théâtre, Michel Orier, à la direction de la Maison de la Culture de Grenoble; passant outre la coutume qui veut qu'un appel à candidatures soit lancé lorsqu'un poste devient vacant à la tête d'un établissement culturel. Que Catherine Tasca ait voulu éviter le chômage à l'un de ses conseillers, qui avait quitté la Maison de la Culture d'Amiens pour rejoindre le ministère de la Culture, on peut comprendre... Sauf que les conditions de cette nomination laissent quelque peu circonspect.
Emblème de la décentralisation culturelle, le Cargo/ Maison de la Culture de Grenoble est l'objet d'un «chantier de rénovation» dont le coût total atteint aujourd'hui les 37, 5 millions d'euros. Et il ne s'agit pas seulement de modifier l'architecture du bâtiment, mais aussi de «requalifier» sa mission d'action culturelle. Nommée à la direction du Cargo par Catherine Trautmann en septembre 1999, Yolande Padilla s'est attelée à cette tâche, profilant «un établissement véritablement pluridisciplinaire, habité durablement par des artistes, attentif à l'évolution des pratiques culturelles engagées dans l'innovation et la production d'idées». Bousculant quelque peu les appétits des structures hébergées par le Cargo (Centre Dramatique, Centre Chorégraphique, Musiciens du Louvre...), Yolande Padilla a cherché à associer à la réflexion sur l'avenir de la Maison de la Culture des équipes artistiques moins institutionnalisées, des démarches émergentes et associatives. Elle ambitionne notamment de faire du Cargo un «laboratoire pour l'expérimentation de nouvelles formes d'interaction entre la création et les champs sociaux». Le coût en sera sans doute élevé, mais n'est-il pas à la hauteur des enjeux contemporains? En tout cas, les différentes «tutelles» politiques de la Maison de la Culture de Grenoble jugent le projet «remarquable»... avant de se raviser quelques mois plus tard.
Yolande Padilla est soudain poussée vers la sortie! Mais plusieurs associations culturelles et équipes artistiques ne l'entendent pas de cette oreille, dénoncent «le fait du prince» et veulent que s'engage un véritable débat.
En coulisses, on murmure que c'est peine perdue, que la direction du Cargo est promise à Michel Orier... qui est au ministère de la Culture l'interlocuteur de Yolande Padilla! Dans «la Lettre du spectacle», celui-ci dément, sans vraiment convaincre. Le voici aujourd'hui nommé à la sauvette, pendant que Yolande Padilla se voit confier un poste de consolation à la Mission interministérielle nouvellement créée sur «les nouveaux territoires de l'art».
Que faut-il retenir de cette histoire? Au-delà des personnes, le cas du Cargo restera sans doute exemplaire d'une incapacité d'un ministère de la Culture «de gauche» à impulser et soutenir une inflexion pourtant nécessaire de la politique culturelle, à s'engager véritablement et pleinement dans des démarches novatrices, et à y consacrer, hors architecture, les moyens adaptés. Rien ne dit, certes, que le projet avancé par Yolande Padilla n'aurait rencontré en chemin d'insurmontables déboires... Mais on n'a pas non plus laissé le temps à ce projet de faire ses preuves, en donnant de surcroît la sensation de fuir le débat et la confrontation qui auraient été nécessaires! " (...)