La valeur dans les politiques culturelles publiques

Extrait d'un discours de Jean Michel Lucas , alias Dr Kasimir Bisous


Qu'est-ce qu'il y a derrière le système aujourd'hui pour dire ce qui est une oeuvre culturelle intitutionnelle de qualité? Qu'est-ce qui est une bonne exposition, un bon programme de théâtre, d'opéra, quelles compagnies bénéficient d argent public de l'état comme des collectivités publiques?
Le systeme de l'offre de qualité est fondé sur des choix d'experts qui disent par discipline, par domaine, par secteur ce qui paraît être digne d'intérêt et mériter de l'argent public, et remette de l'autre côté les projets pas dignes d'intérêt. (NDLR: ce qui revient à freiner l'émérgence: "etre digne d'interet" voudra dire" etre choisi par des experts", ce qui implique "etre reconnue au titre des critères d'excellence", et par conséquent l'émergence reste en marge).

Dans la perspective d'une société démocrative, tout le système de choix qui fonde les politiques culturelles contient derrière lui un système d'expertise qui a comme caractéristique d'être confidentiel et même secret. Le circulaire du ministere de la culture pour l'aide à la création musicale et les choix d'attribution dit comment les choses doivent être faites. Dans con article 12, il dit: les participants aux commission d'attribution des crédits à la création sont tenus au strict secret des délibérations. 
 
Revenons sur le champs politique et les précepts de Malraux, s'il faut faire une politique culturelle, c est parce que y a des valeurs capitales de l'humanité, qui nous sauvent de toute la logique de la marchandise avec sa recherche de profit ! L'enjeu des valeurs est essentiel. Dans la politique culturelle telle qu'elle s'est construite, où se forge-t-elle dans la société à travers la politique culturelle? Dans le secret et la confidence. Elle n'est pas posée comme un enjeu dans la sphère publique, mais dans les comités, dans le recrutement des directeurs de centre national, dramatique, sans qu'il n'y ait amais le moindre débat sur la valeur.
Qui va l 'opéra, au musée... dans ces institutions culturelles ? 
Des publics, des personnes qui viennent, qui s'enrichissent dans ces institutions. Dans la notion de public, ils ne sont qu'usager, mais pas citoyens, ni partie prenante de la décision sur ce qui se programme. Pas de prise de parole sur le fonctionnement de l'institution possible. Le public est juste invité à aimer ou ne pas aimer personnellement! C'est un rapport individuel à l institution culturelle, dans la sphère de la vie privée: ainsi la culture devient un choix de loisir comme un autre. On a perdu le sens fondamental qui est de construire avec ceux qui bénéficient de la politique publique une société des valeurs. On est tombé dans une logique de consommation.

Censure de la Drac R-A, Festiv'arts dénonce via une lettre ouverte

Festiv'arts travaillait depuis 4 mois sur un évènement que la Drac Rhônes-Alpes s'apprêtait à financer, jusqu'à qu'elle ait le nom du spectacle... Lisez de vous même la réponse de la Drac, et la réaction de Festiv'art.
Je vous partage également le retour dans la presse par Rue89.
  • Le Mail du correspondant de La Drac
Bonjour,
Je suis un peu perplexe devant les changements apportés au projet .
En ce qui concerne la programmation, je vois surgir un objet non identifié qui m'a l'air d'être une charge contre le président de la République (NDLR: il s'agit de "Sarkophonie") .  Je n'ai rien contre au point de vue citoyen, mais on ne peut pas demandé au ministère de la culture de subventionner n'importe quoi...
(...)
Je comprends bien que vous ne pouvez tout maîtriser mais je suis obligé de vous appeler à un peu plus de sérieux si vous ne souhaitez des contacts avec la DRAC et qui plus est son soutien.
Essayez d'améliorer les choses, de grâce.
A très bientôt de vos nouvelles.
cordialement,

G***** L******



  • Lettre ouverte

Sarko/cacophonie de la DRAC Rhône Alpes

Par un courriel du 3 mars 2011, la DRAC Rhône Alpes nous a fait part de sa « perplexité » quant à la programmation et au mode de financement de l’ événement Jouer sur les mots, programmé le 16 mars 2011 à Grenoble dans cadre de l’ action Dis-moi dix mots qui nous relient du Ministère de la Culture (dans le cadre de la semaine de la francophonie). Sont mises en cause l’ absence de sources de financement autres que la DRAC, et la programmation d'un spectacle considéré comme « à charge contre le président de la république », intitulé Sarkophonie.

Jouer sur les mots a été conçu autour des liens entretenus entre langue légitime et langue populaire dans l’ espace public, à l’ écrit comme à l’ oral. Si l’ écrit pénètre l’ espace public par différents biais (publicités, écrans lumineux, affichage officiel…), l’ oral perçut collectivement en est quasiment absent. Et la langue ainsi véhiculée reste la langue légitime, n’ ouvrant que rarement la voie aux autres formes. Forte de 10 ans de programmation d’ arts de rue, et résolument tournée vers les pratiques d’ éducation populaire, l’ association Festiv’ arts a donc souhaité organiser un événement incitant à la participation du public à travers différents ateliers et spectacles issus de pratiques artistiques amateures et professionnelles (graff’ , sérigraphie, conte, slam, théâtre…), faisant de la place aux cultures et à la langue différentes de la culture et la langue « légitimes ».

Le dossier déposé à la DRAC Rhône Alpes en décembre 2010 faisait état des grandes lignes du projet, et a reçu approbation en janvier 2011. L’ organisation avance depuis lors. Mais le document rendu fin février, présentant une programmation arrêtée et un budget prévisionnel, semble avoir provoqué la désapprobation de l’ administration, nous demandant « plus de sérieux » si nous souhaitons « son soutien ». Cette mise en garde nous est parvenue deux semaines avant la date de l’ événement, nous obligeant à réagir vite. Un délais d’ action aussi court remet en question le déroulement de l'événement : il nous est impossible de garantir d'autres sources de financement à si court terme, et l’ annulation du spectacle Sarkophonie est inenvisageable.

Dans ces conditions, nous prenons la décision d'annuler l'évènement.

L’ incertitude, à deux semaines de l’ événement, d’ avoir accès à la subvention de la DRAC Rhône Alpes met en danger le déroulement de l’ événement, et remet en question la possibilité de rémunérer l’ ensemble des artistes intervenants, qu’ ils soient amateurs ou professionnels. Face à cette situation, deux possibilités : faire jouer les artistes bénévolement, ou demander une participation financière au public. Or, dans la construction de notre projet, la subvention de la DRAC permettait tout à la fois de garantir un salaire à chaque artiste, et un accès gratuit à cet événement culturel à tous les piétons du centre ville de Grenoble. Nous refusons de compter sur le bénévolat des artistes et techniciens, dans un système où les structures reconnues (« légitimes ») sont les seules financées, avec toujours plus de difficultés pour les structures nouvelles ou alternatives, et pour l'ensemble des artistes/techniciens du spectacle vivant français à vivre dans des conditions dignes. La seconde raison de cette annulation tient dans le refus de renoncer à programmer le spectacle Sarkophonie. Cet « objet non identifié », comme le nomme la DRAC, est un spectacle professionnel de qualité ayant fait ses preuves à Avignon, à Aurillac, et dans
différentes salles parisiennes. Il ne s’ agissait donc pas, pour reprendre les mots de la DRAC, de « demander au Ministère de la Culture de financer n’ importe quoi ». Outre que ce spectacle prenne une dimension particulièrement importante dans la problématique de notre événement (jeu sur la langue, ses déformations, sa compréhension), il nous paraît intolérable de le faire disparaître de notre programmation en raison de son contenu politique.

Nous nous refusons à plier sous une mise en garde liée au contenu d’ un spectacle. La rue est un espace d'expression libre : il nous semble intolérable de se voir confisquer ce droit à la parole.

L’ association Festiv’ arts.

Distinction entre culture et loisir, citation de Malraux

Lorsque naquit le Front Populaire, Léon Blum voulut créer quelque chose qui était assez proche de ce que nous tentons (NDLR: Marlraux le 9 novembre 1963 à l'assemble nationale) et il créa, avec mon ami Léo Lagrange, un ministère des loisirs.
Pendant des années, on a cru, dans le monde entier, que le problème de la culture était un problème d'administration des loisirs. Il est grand temps de comprendre que ces deux éléments sont profondément distincts, et que l'un est seulement le moyen de l'autre. (...)
Il n'y aurait pas de culture s'il n'y avait pas de loisirs. Mais ce ne sont pas les loisirs qui font la culture : ce sont les loisirs qui sont les moyens de la culture.
Là commence notre vrai problème qui est : que défendons-nous ensemble ?
Pendant ces années, qui vont de la naissance d'un ministère des loisirs à aujourd'hui, il est né dans le monde les grandes techniques de rêve - je parle naturellement du cinéma, de la télévision, etc., non pas dans la mesure où ils sont des moyens politiques ou des moyens d'information, mais très exactement dans la mesure où ils sont des moyens de fiction.(...)


Or, les machines à rêve, qui n'ont pas été inventées pour le plaisir des hommes mais seulement pour apporter de l'argent à ceux qui les fabriquent n'ont de puissance magistrale que dans la mesure où chez nous - je parle clairement - elles rapportent le maximum d'argent, que si elles font appel, chez nous, à ce qui est le moins humain, le plus animal, le plus organique et, disons-le clairement, le sexe et la mort.
Si nous acceptons une fois pour toutes, sans contrepartie, que cette immense puissance qui ne fait que commencer à se manifester s'exerce sur le monde avec ses propres moyens, il en va tout simplement de ce que nous appelons la civilisation.