Censure de la Drac R-A, Festiv'arts dénonce via une lettre ouverte

Festiv'arts travaillait depuis 4 mois sur un évènement que la Drac Rhônes-Alpes s'apprêtait à financer, jusqu'à qu'elle ait le nom du spectacle... Lisez de vous même la réponse de la Drac, et la réaction de Festiv'art.
Je vous partage également le retour dans la presse par Rue89.
  • Le Mail du correspondant de La Drac
Bonjour,
Je suis un peu perplexe devant les changements apportés au projet .
En ce qui concerne la programmation, je vois surgir un objet non identifié qui m'a l'air d'être une charge contre le président de la République (NDLR: il s'agit de "Sarkophonie") .  Je n'ai rien contre au point de vue citoyen, mais on ne peut pas demandé au ministère de la culture de subventionner n'importe quoi...
(...)
Je comprends bien que vous ne pouvez tout maîtriser mais je suis obligé de vous appeler à un peu plus de sérieux si vous ne souhaitez des contacts avec la DRAC et qui plus est son soutien.
Essayez d'améliorer les choses, de grâce.
A très bientôt de vos nouvelles.
cordialement,

G***** L******



  • Lettre ouverte

Sarko/cacophonie de la DRAC Rhône Alpes

Par un courriel du 3 mars 2011, la DRAC Rhône Alpes nous a fait part de sa « perplexité » quant à la programmation et au mode de financement de l’ événement Jouer sur les mots, programmé le 16 mars 2011 à Grenoble dans cadre de l’ action Dis-moi dix mots qui nous relient du Ministère de la Culture (dans le cadre de la semaine de la francophonie). Sont mises en cause l’ absence de sources de financement autres que la DRAC, et la programmation d'un spectacle considéré comme « à charge contre le président de la république », intitulé Sarkophonie.

Jouer sur les mots a été conçu autour des liens entretenus entre langue légitime et langue populaire dans l’ espace public, à l’ écrit comme à l’ oral. Si l’ écrit pénètre l’ espace public par différents biais (publicités, écrans lumineux, affichage officiel…), l’ oral perçut collectivement en est quasiment absent. Et la langue ainsi véhiculée reste la langue légitime, n’ ouvrant que rarement la voie aux autres formes. Forte de 10 ans de programmation d’ arts de rue, et résolument tournée vers les pratiques d’ éducation populaire, l’ association Festiv’ arts a donc souhaité organiser un événement incitant à la participation du public à travers différents ateliers et spectacles issus de pratiques artistiques amateures et professionnelles (graff’ , sérigraphie, conte, slam, théâtre…), faisant de la place aux cultures et à la langue différentes de la culture et la langue « légitimes ».

Le dossier déposé à la DRAC Rhône Alpes en décembre 2010 faisait état des grandes lignes du projet, et a reçu approbation en janvier 2011. L’ organisation avance depuis lors. Mais le document rendu fin février, présentant une programmation arrêtée et un budget prévisionnel, semble avoir provoqué la désapprobation de l’ administration, nous demandant « plus de sérieux » si nous souhaitons « son soutien ». Cette mise en garde nous est parvenue deux semaines avant la date de l’ événement, nous obligeant à réagir vite. Un délais d’ action aussi court remet en question le déroulement de l'événement : il nous est impossible de garantir d'autres sources de financement à si court terme, et l’ annulation du spectacle Sarkophonie est inenvisageable.

Dans ces conditions, nous prenons la décision d'annuler l'évènement.

L’ incertitude, à deux semaines de l’ événement, d’ avoir accès à la subvention de la DRAC Rhône Alpes met en danger le déroulement de l’ événement, et remet en question la possibilité de rémunérer l’ ensemble des artistes intervenants, qu’ ils soient amateurs ou professionnels. Face à cette situation, deux possibilités : faire jouer les artistes bénévolement, ou demander une participation financière au public. Or, dans la construction de notre projet, la subvention de la DRAC permettait tout à la fois de garantir un salaire à chaque artiste, et un accès gratuit à cet événement culturel à tous les piétons du centre ville de Grenoble. Nous refusons de compter sur le bénévolat des artistes et techniciens, dans un système où les structures reconnues (« légitimes ») sont les seules financées, avec toujours plus de difficultés pour les structures nouvelles ou alternatives, et pour l'ensemble des artistes/techniciens du spectacle vivant français à vivre dans des conditions dignes. La seconde raison de cette annulation tient dans le refus de renoncer à programmer le spectacle Sarkophonie. Cet « objet non identifié », comme le nomme la DRAC, est un spectacle professionnel de qualité ayant fait ses preuves à Avignon, à Aurillac, et dans
différentes salles parisiennes. Il ne s’ agissait donc pas, pour reprendre les mots de la DRAC, de « demander au Ministère de la Culture de financer n’ importe quoi ». Outre que ce spectacle prenne une dimension particulièrement importante dans la problématique de notre événement (jeu sur la langue, ses déformations, sa compréhension), il nous paraît intolérable de le faire disparaître de notre programmation en raison de son contenu politique.

Nous nous refusons à plier sous une mise en garde liée au contenu d’ un spectacle. La rue est un espace d'expression libre : il nous semble intolérable de se voir confisquer ce droit à la parole.

L’ association Festiv’ arts.

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