Culture et développement durable, le cas des festivals

Puisque nous baignons dans les questionnements existentiels autour du développement durable, je vous propose ici de procéder à la comparaison de deux festivals sous l'angle de leurs impacts sociaux, économiques et environnementaux: le Festival de Transe Hadra produit par l'association grenobloise du même nom, et le festival Jazz à Vienne géré en EPIC (Etablissement Public à caractère Industriel et Commercial) par la communauté de commune des pays Voironnais. Nous n'aurons ici aucun jugement sur les valeurs esthétiques, seulement sur le hors-artistique ; je m'attacherai à justifier la pertinence d'un tel postulat dans un futur article (NDLR: 4avr 2012: ca y est, lisez ici pourquoi ne pas évaluer la qualité artistique).


Ayant participé à ces deux évènements en ce début juillet, je vous partage mes observations. Du point de vue de la gestion environnementale, Hadra, qui organise son festival en plein parc naturel du Vercors, a installé des toilettes sèches sur tout le site, distribué gratuitement des cendriers de poche aux festivaliers, utilisé des gobelets consignés pour le public et de la vaisselle non jetable pour le staff, mis en place des solutions de transport collectif pour venir au festival, affrété des navettes pour se rendre du parking au site, et récupéré les eaux usagés dans des citernes spécialement prévu... Ouf, rien que ça! ils méritent bien leur Greener award qui récompense les festivals européens les plus éco-responsables. Jazz à Vienne de son côté a eu recours aux classiques toilettes en Algeco et vendait les boissons dans des verres jetables ; pas de démarches éco-responsable particulière .

Si on en vient à la consommation sur site, à nouveau l'association grenobloise se démarque et nous donne un exemple de dynamique économique locale. La vente de nourriture était confiée à des commerçants locaux, à des artisans servant des plats « maison », ou ayant des démarches culinaires raffinées, avec une grande diversité culturelle dans les inspirations ; ainsi Hadra délivre une nourriture de qualité aux festivaliers, et crée un développement économique de proximité. Quant aux buvettes du festival, elles vendaient exclusivement des bières locales et artisanales, La Mandrin et la Vercors, et était confiées à des associations de musiques actuelles de l'agglomération grenobloise, leur offrant par la même occasion une rentrée exceptionnelle de ressources propres, sécurisante pour la tenue de leur activité en des temps budgétaires difficiles. Voici une vision très solidaire de l'utilisation des richesses générées.

Cet aspect est sans doute celui qui m'a le plus choqué sur Jazz à Vienne : de la Bière Kronenbourg vendue à 3€ le demi ( 2,50 la mandrin a Hadra), aucune boisson de l'agriculure locale ou équitable. Une restauration manquant de respect au public : des sandwich à 5€ avec une demi-baguette à peine remplie d'une tranche de jambon et des traces de beurre, ou des petites salades à peine garnies d'autres ingrédients au même prix ; et pour avoir goûté je garantie que ce ne sont pas des produits de petits producteurs ! Le tout géré par des bénévoles qui auront en contrepartie des invitations pour le festival. La mal bouffe ultra-profitable, voilà le choix de Jazz à Vienne !


Le bilan se résume assez facilement: d'un côté, une association, Hadra, qui adopte un développement solidaire en lien avec d'autres assos, équitable avec l'économie locale, et environnemental irréprochable. De l'autre, un établissement public, Jazz à Vienne, qui ignore les enjeux de société actuels.


« Comment une association de 2 salariés et plusieurs dizaines de bénévoles parvient-t-elle à répondre à tant d'enjeux des politiques publiques (développement économique local, dynamiques partenariales et solidaires, engagement et participation bénévole, développement durable, diversité culturelle) alors qu'une équipe para-publique, accompagnée et subventionnée par tous les échelons des collectivités, snobe les enjeux qu'elles sont censées porter en leur sein ?! » Tacher d'y répondre met en évidence l'énorme difficulté qu'ont les collectivités à travailler transversalement entre des services aux missions diverses.


Le plus incroyable nous apparaît alors quand on sait que les positions sont inversées concernant l'écart tout aussi énorme de subventions entre ces deux projets culturels (il faudrait que je me procure les chiffres exacts...). Un nouveau travers des collectivités apparaît alors : l'immobilisme des politiques culturelles basées sur une hiérarchie non assumée de la valeur, entretenant des domaines artistiques précaires et non reconnus à côté de domaines légitimes bien lotis.



Notes a posteriori :
2 semaines se sont passées depuis la rédaction de cet article et d'autres festivals ont subi mon oeil inquisiteur : une mention très bien aux rencontres Brel de St Pierre de Chartreuse pour leurs produits locaux de qualité, et la gestion écologique du site.
Carton rouge à la Ville de Grenoble et au cabaret frappé, qui ne font pas mieux que Jazz a Vienne.

Philippe Teillet répond à JM Lucas sur la démocratie dans les Musiques actuelles

J'ai publié sur ce blog plusieurs articles pour partager des explications que JM Lucas, alias Dr Kasimir Bisou, apporte à l'évolution des politiques culturelles. Sur la question plus spécifique des Musiques Actuelles que JM.L, alias K.B, fervent militant prend souvent comme exemple, P. Teillet apporte des éléments de réflexion complémentaires qui désidéalisent certains attributs que KB prête aux MA (source ).



 


Rebondir à Bisou - Commentaires sur le texte : « Diversité culturelle et politiques publiques, la fausse conversion française ! »
Il y aurait beaucoup à dire sur ce texte (« Diversité culturelle et politiques publiques, la fausse conversion française » ou « Les 3 DC des politiques culturelles ») où, comme toujours, K.B s’y montre particulièrement minutieux, pertinent et stimulant. J’adhère pleinement en particulier à son appel en faveur d’une (re)politisation des politiques culturelles à travers une mise en débat des choix qui sont faits en ce domaine (notamment la définition des valeurs et l’activité des comités d’experts).
J’inviterai simplement - et, on le verra, cette invitation constituera le fil rouge de ce « rebond » - les lecteurs de ce texte, acteurs des musiques actuelles, à ne pas s’installer trop confortablement à l’extérieur des pratiques visées et dénoncées par Kasimir. Il n’est pas indispensable de faire partie d’un comité ou d’une commission d’experts créé(e) par la Drac et présidé(e) par son directeur ou l’un de ses conseillers, pour faire des choix au nom d’une conception personnelle (le plus souvent non pensée et encore moins affirmée comme telle) de l’intérêt général. Construire une programmation, composer une liste de groupes ou d’artistes amateurs, par exemple (surtout avec la bonne conscience « raffarinesque » d’agir dans la « proximité », à l’écoute du « terrain », de « soutenir la création locale » - cf. le texte de Dick - Les 4 étapes de l’intégration des musiques actuelles dans l’action de l’Etat), sont le plus souvent des situations où des choix au fond « publics », aussi modestes soient-ils, sont faits sans aucun débat public. Il en va de même bien entendu lors de la désignation des responsables de ces choix au sein de leur structure ou de l’affectation des moyens mis à leurs dispositions. Sur ce point K.B. se focalise trop à mon sens sur les « grands » choix des « grandes institutions culturelles » du ministère ou des collectivités territoriales. Je regrette qu’il n’ait rien dit de cette multitude de choix quotidiens (artistiques ou non) qui font la vie de tout équipement et de toute manifestation. La vraie question est alors de déterminer la procédure de mise en débat adéquate. Le référendum étant, en cette matière comme dans bien d’autres, non seulement peu envisageable pour des micro-décisions, mais aussi une aimable plaisanterie dont le caractère démocratique résiste mal à l’examen, c’est à un travail sérieux et difficile de recherche, d’expérimentation et de mise en place de modalités de publicité et de délibération autour de ces choix auquel il faudrait s’atteler. J’observe simplement que sur des décisions au moins aussi complexes (technologiques, scientifiques) on a su trouver des procédures adaptées de démocratie participative (commission du débat public, conférences du consensus, etc.). La subtilité et les particularismes des choix culturels ne sont pas tels qu’on doive y renoncer. L’intérêt pour ces questions de participation, de socialisation des décisions, de mise en délibération de l’intérêt général, est tel en ce moment que je suis sûr qu’on peut trouver sur ce point des procédures adaptées.
En tout cas, et pour rejoindre un de mes dadas, la première des choses consiste à s’expliquer sur ce que l’on fait, à rendre des comptes sur ses choix, à expliciter - en mettant des mots sur des choses et des actes - les décisions prises. Or le milieu des MA, intarissable sur les rapports aux publics, aux populations, incollable sur les questions de professionnalisation, de structuration régionale et d’aménagement du territoire (en général pour dénoncer la plupart des autres acteurs des politiques culturelles), est trop souvent silencieux ou expéditif sur les décisions prises en son sein concernant des artistes (autant professionnels qu’amateurs). De brèves évocations de genres et de labels suffisent ( ?) à expliquer la présence des uns ou des autres sur une scène ou dans un quelconque dispositif de soutien ou d’accompagnement. Alors, dans ce jeu de la paille et de la poutre, il me semble que les acteurs des MA devraient balayer devant leurs portes et s’attacher pour ce qui les concerne (avant de dénoncer les autres dont ils seraient victimes) à définir comme le dit K.B., les conditions de la mise en discussion publique de leurs propres décisions.
Maintenant, les points principaux de désaccords ou de divergences avec mon cher Kasimir sont les suivants :

Développement et démocratie

Après avoir souscrit totalement à ses remarques sur les ambiguïtés et l’arbitraire de la démocratisation, en revanche, je ne suis pas d’accord avec la distinction qu’il propose entre développement culturel et démocratie culturelle. Il durcit à l’excès le développement culturel qui n’a jamais eu de définition très précise. Celle qu’il donne et qui vient du ministère Duhamel, en est une possible, mais la vertu de cette notion (et ce qui en fait le succès) est sa plasticité et sa propension à recouvrir du même terme tout et n’importe quoi, plus précisément autant la démocratie culturelle que la démocratisation culturelle. La définition retenue par K.B. dans son texte, c’est la conception Duhamel / Rigaud du développement culturel qui constitue en fait une actualisation « seventies » de la démocratisation. Ces derniers se sont au fond bornés à donner une autre définition des objectifs de la démocratisation culturelle : moins le rassemblement du peuple par un rapport socialement élargi aux « œuvres capitales de l’humanité », comme dans le projet politique de Malraux, que l’autonomie et l’épanouissement de chacun, la désaliénation, même si ce n’est pas un référent idéologique de ce ministre et de son chef de cabinet. D’ailleurs, lorsque K.B. détaille les doutes sur les impacts du développement culturel, ce sont les enquêtes pratiques culturelles des Français qu’il cite et spécialement la question de la structure du public qui est avant tout un problème de démocratisation - réduction des écarts entre groupes sociaux (aucune enquête de ce type n’a pu être mise en place pour évaluer les résultats d’une politique de démocratie culturelle).
S’il a raison dans ce développement de pointer le tropisme de la création artistique dans les pratiques et jugements de valeurs des responsables des Drac et des représentants de nombreuses collectivités territoriales, ce point a peu à voir avec le développement culturel (en raison une fois encore du flou et de la plasticité de cette notion). En revanche, si on veut essayer de comprendre quelque chose à ce sujet, il vaut mieux se pencher sur les mécanismes sociaux et politiques de construction d’identités collectives et de différenciation de sphères sociales. C’est là où les politiques culturelles comme d’autres politiques publiques sont marquées par de tels mécanismes. Pour des raisons et à la suite d’événements et d’interactions trop longs à détailler ici, on se trouve face à un phénomène plus général : la construction autour d’une politique publique, d’administrations spécialisées et de milieux professionnels progressivement différenciés qui concourent à la construction de la culture en secteur distinct. La création et les enjeux artistiques ont d’ailleurs principalement joué un rôle clef dans la distinction du culturel et du socioculturel. Moins naturelle qu’on le croit souvent, cette différence est un bel exemple de construit social. J’ai souvent eu l’occasion d’observer combien le milieu des MA travaillait cette distinction et s’interrogeait sur sa localisation : territoire de résurrection de l’éducation populaire ou terrain de politiques artistiques visant à soutenir les innovations ? Il serait absurde de vouloir trancher ici cette question. Mais on peut encore observer l’ambiguïté de nombreuses prises de position chez les acteurs des MA blâmant la focalisation des milieux culturels traditionnels sur ces enjeux artistiques et de création, mais qui sans employer le vocabulaire artistique sont fortement intéressés par l’accompagnement (de projets artistiques amateurs ou pro), les émergences, les labels innovants, les courants musicaux inventifs, les « découvertes » et s’attachant à développer la créativité de groupes amateurs. Loin de moi l’idée de vouloir mettre fin à de telles activités, ce rappel n’a pas d’autres objectifs que de nous amener à réfléchir sur nos propres pratiques et pour ce faire à renoncer aux alternatives aussi sommaires que trompeuses.

L’idéalisation des politiques publiques

K.B. se fait une idée très... idéale... des politiques publiques en général. Il leur accorde en général une rationalité qu’elles n’ont pas en se demandant comment les politiques culturelles pourraient atteindre ce niveau. C’est à mon avis la limite d’une réflexion qui repose sur la seule connaissance des politiques culturelles. Que les autres politiques ne montrent à l’examen, guère plus de rationalité n’excuse pas les politiques culturelles. Mais ça invite plutôt à rechercher des explications moins spécifiques aux questions, acteurs et services culturels. Loin d’être orientées par la résolution de problèmes clairement définis a priori, les politiques publiques sont le plus souvent le cadre de luttes entre acteurs intéressés et dont les différends concernent tant la définition des problèmes que des mesures à mettre en œuvre, le bilan des actions passées et l’évaluation des résultats, l’équilibre des responsabilités entre acteurs publics, ainsi qu’entre acteurs publics et privés. La surpopulation de ces politiques, l’intervention d’acteurs multiples dans le moindre champ de décision et d’action, comme on le voit particulièrement dans les politiques culturelles, n’est pas la moindre des sources de cette irrationalité. La réflexion devrait donc plutôt que de regretter la situation des politiques culturelles (même si elles présentent certaines spécificités) de comprendre que nous sommes face à une question plus générale consistant à produire de l’ordre autour des politiques publiques. Autrement dit, comment serait-il possible de réintroduire un consensus relatif autour de l’action publique en ce domaine ? K.B. croit sur ce point beaucoup aux vertus du droit et de la norme. Je crois beaucoup plus à des formes de régulations politiques territorialisées. Ce que tente en ce moment de lancer la concertation nationale sur des schémas territoriaux de développement.

Les risques de l’instrumentalisation de la pensée Bisou

Dernier problème, et pas le plus mince, ce texte peut être très séduisant pour les acteurs des musiques actuelles ou des cultures urbaines, ceux du mouvement des friches etc., bref tous ceux qui, nouveaux entrants du secteur culturel, peinent à trouver les mêmes soutiens que d’autres et souffrent encore d’un déficit de légitimité et de tous les effets pratiques que cela induit. Or, et pour parler ici exclusivement des musiques actuelles, au-delà de la séduction du propos, je ne suis pas sûr que, tel qu’il fonctionne actuellement, ce sous-secteur échappe aux critiques que KB porte aux politiques culturelles. En quelque sorte, nous autres des MA, prendrions ce texte pour un plaidoyer en notre faveur alors qu’il contient (mais là je ne sais pas ce qu’en pense son auteur), une forte critique à notre égard. Je l’ai déjà évoqué plus haut, nous ne sommes pas les derniers à faire de nombreux choix des affaires très personnelles et très personnalisées et nous n’avons pas de leçon à donner sur la socialisation de nos décisions et la participation démocratique aux choix collectifs.
Autre exemple, est-on vraiment sûr en notre domaine de mettre en oeuvre une forme de démocratie culturelle ? Je ne le crois pas. Dans bien des cas, nous sommes plutôt des porteurs d’offre qui proposons aux populations ce que nous croyons être des valeurs (en émergence ou confirmées, peu importe). Le vrai sens de la démocratie culturelle, c’est le soutien aux formes et pratiques culturelles déjà présentes. En soi, c’est assez compliqué à réaliser hors d’une dimension ethnologique de l’action. Mais dans notre domaine, si on considère, par exemple, le rap ou une activité hip hop de cette façon (comme déjà présent), il faudrait un peu s’interroger sur cette présence et sur les modèles ou les normes culturelles déjà intériorisés par les populations sur lesquelles (ou avec lesquelles) on travaille. Penser que ces modèles ou normes sont du "déjà-là" me semble très contestable... du moins autant que de dire d’un certain public de TV que TF1 répond à sa demande... Il y a une marge entre nier que les populations concernées par des politiques soient porteuses d’une certaine culture et naturaliser, authentifier, les expressions culturelles qu’elles affichent comme étant les leurs. Tout le sens d’une action à leur égard peut consister aussi, en toute légitimité, à ouvrir pour elles un espace des possibles dans leur développement culturel. Dans ce cas, il vaut mieux ne pas se voiler la face sur le fait que ce qu’on met en oeuvre a peu à voir avec de la démocratie culturelle.
Enfin, la référence à la définition de la culture telle que la formule l’Unesco est bien venue et je crois effectivement que c’est en prenant celle-ci en considération qu’on pourra donner un nouvel élan à ces politiques. Mais ici aussi il faut être un peu conséquent et ne pas se borner à parler la langue Unesco pour agir Malraux. Et le milieu des MA agit plus Malraux qu’Unesco. Pourquoi ? Parce qu’il reste centré (là encore pour des raisons trop longues à expliquer) sur des enjeux artistiques. Si on voulait effectivement prendre en considération dans ces politiques non seulement les arts et lettres mais aussi les modes de vie, les façons de vivre, les systèmes de valeurs, les traditions et les croyances, on ne se focaliserait pas sur le décret de 53, l’accompagnement des amateurs, la diffusion de jeunes talents sur les radios, la TVA sur les disques ou le téléchargement mais sur bien d’autres problèmes culturels de notre temps (qui pourraient sans doute trouver des formalisations esthétiques mais ne sauraient s’y réduire). Pour être encore plus clair, nombre d’ateliers et de débats des rencontres d’acteurs des MA, comme lors de ce ForuMa, n’ont aucun sens du point de vue de la définition de l’Unesco !
Donc : je suis persuadé que ce texte contient de nombreux éléments très pertinents, mais ne le lisez pas en pensant qu’il légitime les MA. Lisez-le plutôt en essayant de voir en quoi il interroge l’ensemble des politiques culturelles, MA comprises.

Arrivée de Michel Orier à la MC2, départ de Yolande Padilla

Texte publié le 06-05-2002 par Jean-Marc ADOLPHE, tiré d'ici



"Juste avant de quitter ses fonctions, la ministre de la Culture a intronisé son conseiller pour le théâtre, Michel Orier, à la tête du Cargo de Grenoble. (...)

Il y avait vraiment urgence! Le 30 avril 2002, quelques jours avant de quitter le ministère de la Culture, Catherine Tasca a nommé son conseiller pour le théâtre, Michel Orier, à la direction de la Maison de la Culture de Grenoble; passant outre la coutume qui veut qu'un appel à candidatures soit lancé lorsqu'un poste devient vacant à la tête d'un établissement culturel. Que Catherine Tasca ait voulu éviter le chômage à l'un de ses conseillers, qui avait quitté la Maison de la Culture d'Amiens pour rejoindre le ministère de la Culture, on peut comprendre... Sauf que les conditions de cette nomination laissent quelque peu circonspect.
Emblème de la décentralisation culturelle, le Cargo/ Maison de la Culture de Grenoble est l'objet d'un «chantier de rénovation» dont le coût total atteint aujourd'hui les 37, 5 millions d'euros. Et il ne s'agit pas seulement de modifier l'architecture du bâtiment, mais aussi de «requalifier» sa mission d'action culturelle. Nommée à la direction du Cargo par Catherine Trautmann en septembre 1999, Yolande Padilla s'est attelée à cette tâche, profilant «un établissement véritablement pluridisciplinaire, habité durablement par des artistes, attentif à l'évolution des pratiques culturelles engagées dans l'innovation et la production d'idées». Bousculant quelque peu les appétits des structures hébergées par le Cargo (Centre Dramatique, Centre Chorégraphique, Musiciens du Louvre...), Yolande Padilla a cherché à associer à la réflexion sur l'avenir de la Maison de la Culture des équipes artistiques moins institutionnalisées, des démarches émergentes et associatives. Elle ambitionne notamment de faire du Cargo un «laboratoire pour l'expérimentation de nouvelles formes d'interaction entre la création et les champs sociaux». Le coût en sera sans doute élevé, mais n'est-il pas à la hauteur des enjeux contemporains? En tout cas, les différentes «tutelles» politiques de la Maison de la Culture de Grenoble jugent le projet «remarquable»... avant de se raviser quelques mois plus tard.
Yolande Padilla est soudain poussée vers la sortie! Mais plusieurs associations culturelles et équipes artistiques ne l'entendent pas de cette oreille, dénoncent «le fait du prince» et veulent que s'engage un véritable débat.
En coulisses, on murmure que c'est peine perdue, que la direction du Cargo est promise à Michel Orier... qui est au ministère de la Culture l'interlocuteur de Yolande Padilla! Dans «la Lettre du spectacle», celui-ci dément, sans vraiment convaincre. Le voici aujourd'hui nommé à la sauvette, pendant que Yolande Padilla se voit confier un poste de consolation à la Mission interministérielle nouvellement créée sur «les nouveaux territoires de l'art».
Que faut-il retenir de cette histoire? Au-delà des personnes, le cas du Cargo restera sans doute exemplaire d'une incapacité d'un ministère de la Culture «de gauche» à impulser et soutenir une inflexion pourtant nécessaire de la politique culturelle, à s'engager véritablement et pleinement dans des démarches novatrices, et à y consacrer, hors architecture, les moyens adaptés. Rien ne dit, certes, que le projet avancé par Yolande Padilla n'aurait rencontré en chemin d'insurmontables déboires... Mais on n'a pas non plus laissé le temps à ce projet de faire ses preuves, en donnant de surcroît la sensation de fuir le débat et la confrontation qui auraient été nécessaires! " (...)

La valeur dans les politiques culturelles publiques

Extrait d'un discours de Jean Michel Lucas , alias Dr Kasimir Bisous


Qu'est-ce qu'il y a derrière le système aujourd'hui pour dire ce qui est une oeuvre culturelle intitutionnelle de qualité? Qu'est-ce qui est une bonne exposition, un bon programme de théâtre, d'opéra, quelles compagnies bénéficient d argent public de l'état comme des collectivités publiques?
Le systeme de l'offre de qualité est fondé sur des choix d'experts qui disent par discipline, par domaine, par secteur ce qui paraît être digne d'intérêt et mériter de l'argent public, et remette de l'autre côté les projets pas dignes d'intérêt. (NDLR: ce qui revient à freiner l'émérgence: "etre digne d'interet" voudra dire" etre choisi par des experts", ce qui implique "etre reconnue au titre des critères d'excellence", et par conséquent l'émergence reste en marge).

Dans la perspective d'une société démocrative, tout le système de choix qui fonde les politiques culturelles contient derrière lui un système d'expertise qui a comme caractéristique d'être confidentiel et même secret. Le circulaire du ministere de la culture pour l'aide à la création musicale et les choix d'attribution dit comment les choses doivent être faites. Dans con article 12, il dit: les participants aux commission d'attribution des crédits à la création sont tenus au strict secret des délibérations. 
 
Revenons sur le champs politique et les précepts de Malraux, s'il faut faire une politique culturelle, c est parce que y a des valeurs capitales de l'humanité, qui nous sauvent de toute la logique de la marchandise avec sa recherche de profit ! L'enjeu des valeurs est essentiel. Dans la politique culturelle telle qu'elle s'est construite, où se forge-t-elle dans la société à travers la politique culturelle? Dans le secret et la confidence. Elle n'est pas posée comme un enjeu dans la sphère publique, mais dans les comités, dans le recrutement des directeurs de centre national, dramatique, sans qu'il n'y ait amais le moindre débat sur la valeur.
Qui va l 'opéra, au musée... dans ces institutions culturelles ? 
Des publics, des personnes qui viennent, qui s'enrichissent dans ces institutions. Dans la notion de public, ils ne sont qu'usager, mais pas citoyens, ni partie prenante de la décision sur ce qui se programme. Pas de prise de parole sur le fonctionnement de l'institution possible. Le public est juste invité à aimer ou ne pas aimer personnellement! C'est un rapport individuel à l institution culturelle, dans la sphère de la vie privée: ainsi la culture devient un choix de loisir comme un autre. On a perdu le sens fondamental qui est de construire avec ceux qui bénéficient de la politique publique une société des valeurs. On est tombé dans une logique de consommation.

Censure de la Drac R-A, Festiv'arts dénonce via une lettre ouverte

Festiv'arts travaillait depuis 4 mois sur un évènement que la Drac Rhônes-Alpes s'apprêtait à financer, jusqu'à qu'elle ait le nom du spectacle... Lisez de vous même la réponse de la Drac, et la réaction de Festiv'art.
Je vous partage également le retour dans la presse par Rue89.
  • Le Mail du correspondant de La Drac
Bonjour,
Je suis un peu perplexe devant les changements apportés au projet .
En ce qui concerne la programmation, je vois surgir un objet non identifié qui m'a l'air d'être une charge contre le président de la République (NDLR: il s'agit de "Sarkophonie") .  Je n'ai rien contre au point de vue citoyen, mais on ne peut pas demandé au ministère de la culture de subventionner n'importe quoi...
(...)
Je comprends bien que vous ne pouvez tout maîtriser mais je suis obligé de vous appeler à un peu plus de sérieux si vous ne souhaitez des contacts avec la DRAC et qui plus est son soutien.
Essayez d'améliorer les choses, de grâce.
A très bientôt de vos nouvelles.
cordialement,

G***** L******



  • Lettre ouverte

Sarko/cacophonie de la DRAC Rhône Alpes

Par un courriel du 3 mars 2011, la DRAC Rhône Alpes nous a fait part de sa « perplexité » quant à la programmation et au mode de financement de l’ événement Jouer sur les mots, programmé le 16 mars 2011 à Grenoble dans cadre de l’ action Dis-moi dix mots qui nous relient du Ministère de la Culture (dans le cadre de la semaine de la francophonie). Sont mises en cause l’ absence de sources de financement autres que la DRAC, et la programmation d'un spectacle considéré comme « à charge contre le président de la république », intitulé Sarkophonie.

Jouer sur les mots a été conçu autour des liens entretenus entre langue légitime et langue populaire dans l’ espace public, à l’ écrit comme à l’ oral. Si l’ écrit pénètre l’ espace public par différents biais (publicités, écrans lumineux, affichage officiel…), l’ oral perçut collectivement en est quasiment absent. Et la langue ainsi véhiculée reste la langue légitime, n’ ouvrant que rarement la voie aux autres formes. Forte de 10 ans de programmation d’ arts de rue, et résolument tournée vers les pratiques d’ éducation populaire, l’ association Festiv’ arts a donc souhaité organiser un événement incitant à la participation du public à travers différents ateliers et spectacles issus de pratiques artistiques amateures et professionnelles (graff’ , sérigraphie, conte, slam, théâtre…), faisant de la place aux cultures et à la langue différentes de la culture et la langue « légitimes ».

Le dossier déposé à la DRAC Rhône Alpes en décembre 2010 faisait état des grandes lignes du projet, et a reçu approbation en janvier 2011. L’ organisation avance depuis lors. Mais le document rendu fin février, présentant une programmation arrêtée et un budget prévisionnel, semble avoir provoqué la désapprobation de l’ administration, nous demandant « plus de sérieux » si nous souhaitons « son soutien ». Cette mise en garde nous est parvenue deux semaines avant la date de l’ événement, nous obligeant à réagir vite. Un délais d’ action aussi court remet en question le déroulement de l'événement : il nous est impossible de garantir d'autres sources de financement à si court terme, et l’ annulation du spectacle Sarkophonie est inenvisageable.

Dans ces conditions, nous prenons la décision d'annuler l'évènement.

L’ incertitude, à deux semaines de l’ événement, d’ avoir accès à la subvention de la DRAC Rhône Alpes met en danger le déroulement de l’ événement, et remet en question la possibilité de rémunérer l’ ensemble des artistes intervenants, qu’ ils soient amateurs ou professionnels. Face à cette situation, deux possibilités : faire jouer les artistes bénévolement, ou demander une participation financière au public. Or, dans la construction de notre projet, la subvention de la DRAC permettait tout à la fois de garantir un salaire à chaque artiste, et un accès gratuit à cet événement culturel à tous les piétons du centre ville de Grenoble. Nous refusons de compter sur le bénévolat des artistes et techniciens, dans un système où les structures reconnues (« légitimes ») sont les seules financées, avec toujours plus de difficultés pour les structures nouvelles ou alternatives, et pour l'ensemble des artistes/techniciens du spectacle vivant français à vivre dans des conditions dignes. La seconde raison de cette annulation tient dans le refus de renoncer à programmer le spectacle Sarkophonie. Cet « objet non identifié », comme le nomme la DRAC, est un spectacle professionnel de qualité ayant fait ses preuves à Avignon, à Aurillac, et dans
différentes salles parisiennes. Il ne s’ agissait donc pas, pour reprendre les mots de la DRAC, de « demander au Ministère de la Culture de financer n’ importe quoi ». Outre que ce spectacle prenne une dimension particulièrement importante dans la problématique de notre événement (jeu sur la langue, ses déformations, sa compréhension), il nous paraît intolérable de le faire disparaître de notre programmation en raison de son contenu politique.

Nous nous refusons à plier sous une mise en garde liée au contenu d’ un spectacle. La rue est un espace d'expression libre : il nous semble intolérable de se voir confisquer ce droit à la parole.

L’ association Festiv’ arts.

Distinction entre culture et loisir, citation de Malraux

Lorsque naquit le Front Populaire, Léon Blum voulut créer quelque chose qui était assez proche de ce que nous tentons (NDLR: Marlraux le 9 novembre 1963 à l'assemble nationale) et il créa, avec mon ami Léo Lagrange, un ministère des loisirs.
Pendant des années, on a cru, dans le monde entier, que le problème de la culture était un problème d'administration des loisirs. Il est grand temps de comprendre que ces deux éléments sont profondément distincts, et que l'un est seulement le moyen de l'autre. (...)
Il n'y aurait pas de culture s'il n'y avait pas de loisirs. Mais ce ne sont pas les loisirs qui font la culture : ce sont les loisirs qui sont les moyens de la culture.
Là commence notre vrai problème qui est : que défendons-nous ensemble ?
Pendant ces années, qui vont de la naissance d'un ministère des loisirs à aujourd'hui, il est né dans le monde les grandes techniques de rêve - je parle naturellement du cinéma, de la télévision, etc., non pas dans la mesure où ils sont des moyens politiques ou des moyens d'information, mais très exactement dans la mesure où ils sont des moyens de fiction.(...)


Or, les machines à rêve, qui n'ont pas été inventées pour le plaisir des hommes mais seulement pour apporter de l'argent à ceux qui les fabriquent n'ont de puissance magistrale que dans la mesure où chez nous - je parle clairement - elles rapportent le maximum d'argent, que si elles font appel, chez nous, à ce qui est le moins humain, le plus animal, le plus organique et, disons-le clairement, le sexe et la mort.
Si nous acceptons une fois pour toutes, sans contrepartie, que cette immense puissance qui ne fait que commencer à se manifester s'exerce sur le monde avec ses propres moyens, il en va tout simplement de ce que nous appelons la civilisation.

Priorités du ministere de la Culture

Je partage ci dessous une réponse de la Drac faite à Festiv'arts qui organise le festival d'arts de rue de Grenoble. Au delà du refus de subventionnement, il est intéressant de voir les priorités du ministère de la Culture qui y sont citées.

 Il mériterait une analyse, peut-être prendrais-je le temps un jour...

Jean Michel Lucas nous éclaire, en vidéos

Voici quelques vidéos pour partager la vision des politiques culturelles présentée par Jean Michel Lucas, à laquelle j'adhère.

Ici, il expose quelques grands principes "philosophiques" de base, qui introduisent en mon sens les soucis principaux des politiques culturelles en France:

Fin 2008, il intervenait à Quimper pour les états généraux de la culture: une excellente explication de l'histoire des politiques culturelles en France, qui éclaircit le sujet de la définition des politiques cultures éloignée de la population, et comment mettre le citoyen au coeur de la démarche.

Enfin, en 2 parties, une autre intervention plus longue, qui illustre les idées explicitées dans les vidéos précédentes: ici puis là.

Pour une meilleure prise en compte des mutations citoyennes, sportives et culturelles

Une lettre ouverte de La Bifurk en janvier 2010  en réponse à celle du PMI à la même époque, que vous pouvez lire ici

Lettre ouverte à

Michel DESTOT
, Député-Maire de Grenoble
Didier MIGAUD, Député-Maire de Seyssins – Président de Grenoble-Alpes Métropole
André VALLINI, Député et président du Conseil général de l’Isère
Jean-Jack QUEYRANNE, Député et président du Conseil régional Rhône-Alpes


Monsieur le Maire, Messieurs les Présidents,

Le Pôle Musical d’Innovation (PMI) vous a adressé au mois de décembre 2009 une lettre ouverte intitulée « Ne confondons pas l’élitisme pour tous avec la qualité pour chacun ». Ce courrier vous interroge sur la reconnaissance des musiques actuelles par vos institutions, et plus largement sur la place des cultures dites populaires à côté de formes plus prestigieuses de création artistique. A notre tour, nous vous adressons cette lettre ouverte pour nous associer à ces questionnements et élargir le champ de réflexion quant à l'émergence dans plusieurs domaines.

Depuis 2002, La Bifurk porte un projet associatif qui croise des pratiques sportives, culturelles et citoyennes portées par des individus et des associations de l'agglomération Grenobloise, reflet à notre sens de tendances plus ou moins récentes et d'aspirations nouvelles des habitants..
La citoyenneté d'abord, puisque nous accueillons de nombreux évènements citoyens aux formes plutôt innovantes en partenariat avec des associations légitimes sur leurs problématiques, et également par la promotion d'une consommation responsable, à travers les AMAPs que nous hébergeons et notre bar qui distribue exclusivement des produits équitables, bio ou locaux. Malgré notre besoin d'augmenter nos ressources propres, nous avons fait le choix politique de privilégier l'éthique à la rentabilité de nos produits, dans une optique de promotion de ces modèles économiques s'appuyant sur des fournisseurs locaux.. Vous conviendrez qu'encore peu de structures que vos collectivités soutiennent ont fait ce pari porteur de valeurs fortes relevant des défis actuels du développement durable; il suffit d'en faire le tour pour s'en convaincre.

Le sport ensuite. Nous abritons deux associations conséquentes au sein des activités de La Bifurk, que sont l'association du skate park de Grenoble - l'ASG - pratiquant le skate, roller et bmx dans un espace couvert à l'intérieur, et l'association pour le développement des sports de sable - l'AD2S - qui anime la plage de Grenoble. Ces disciplines sportives connaissent un essor relativement récent au sein de la société. Elles ne font vraisemblablement pas parti des disciplines les plus ancrées dans les traditions sportives des français; pour autant elles concernent un public très nombreux sur le territoire et permettent à des milliers d'utilisateurs chaque année de découvrir et de pratiquer ces activités dans des conditions de sécurité. On constate aujourd'hui qu'AD2S est en difficulté financière alors qu'elle n'emploie qu'un salarié malgré son fort volume d'activité; quant à l'ASG elle vit avec plus de 85% de ressources propres. Il serait inapproprié de dire que les collectivités ne soutiennent pas ces associations mais il nous semble qu'elles le font avec un certaine timidité qui contraste avec leur succès face à la population locale.

La culture, enfin, occupe une grande place au cœur de notre projet. Nous parvenons à faire cohabiter les arts plastiques et différentes formes de spectacles vivants - cirque, théâtre, musique, conte - en offrant des espaces de création - ateliers d'artistes, salle de répétition – et de diffusion - salle d'exposition et halle de spectacle. Parmi nos spécificités, nous revendiquons l'expérimentation et l'émergence par des artistes souvent amateurs, mais pourtant très professionnels dans la rigueur qui les anime et la créativité dont ils font preuve. On nous assimile parfois à des acteurs socio-culturels, rattachés à un mouvement d'éducation populaire; ces comparaisons ne nous dérangent pas, bien au contraire. Pour autant, nous avons prétention à être des acteurs culturels à part entière. Dans une société permettant l'accès à la culture pour tous par l'éducation ou les loisirs, à l'époque de la mondialisation et du brassage des cultures qu'elle entraîne, à l'ère du numérique et des échanges démultipliés d'œuvres de l'esprit, la créativité et la volonté d'innovation de chaque individu s'en trouvent stimulées. Ainsi, sans exclure les formes plus conventionnelles d'expression artistique, nous donnons la place à de nouveaux modes hybrides par le mélange des styles et des techniques utilisées. Nous sommes probablement en rupture avec de nombreux codes tacites que l'institution a construit à mesure que les politiques culturelles se sont structurées. Pourtant, nous le répétons, nous avons prétention à être des acteurs culturels à part entière, ce qui nous semble peu reconnu quand on regarde la provenance de nos subventions dans les lignes budgétaires des collectivités.

Par cette lettre ouverte, nous souhaitons vous partager les constats exposés précédemment et nourrir la réflexion quant à la reconnaissance par l'institution de plusieurs pratiques au sein de la société civile que nous observons et accompagnons au quotidien. Nous apprécions le soutien dont vos collectivités font preuve envers notre projet depuis plusieurs années, sans lequel nous n'existerions pas. Nous interrogeons aujourd'hui votre capacité à faire évoluer vos représentations et à rééquilibrer vos politiques pour une meilleure prise en compte des mutations, même si elle implique la remise en question de positions bien établies. Nous espérons, pour notre projet et pour tous ceux qui participent à cette mouvance, que vous saurez faire preuve d'audace et d'innovation comme vous le faîtes dans d'autres secteurs sur notre territoire.

Le Conseil d'Administration et d'Orientation de La Bifurk

Lettre ouverte de La Bifurk, février 2011

Co-écrite avec des membres du CA et des salariés de La Bifurk, retrouvez ci dessous une lettre ouverte avec laquelle nous avions interpellé les citoyens grenoblois, sur la réalité d'une telle structure :

    Amis de La Bifurk,
    Partenaires ou citoyens Grenoblois,

    Cette lettre pour vous faire savoir que La Bifurk se situe dans une période clé de son histoire. La pérennité des activités développées ces dernières années est menacée par l'insuffisance de nos moyens ; nous faisons appel à votre soutien moral pour franchir le cap qui se présente.

    Du haut de ses neufs ans, La Bifurk a atteint une maturité lui permettant de donner du sens à la diversité de ses activités : lieu ressource des associations grenobloises, espace d'activités aux tarifs accessibles, événements éclectiques reflétant la profusion des initiatives culturelles locales, espace de création, d'expérimentation et de diffusion pour les artistes novateurs, lieu de découverte des sports urbains, espace d'expression et de débat d'idées, de promotion d'une consommation responsable. La cohabitation de ces activités fait de La Bifurk un lieu unique sur Grenoble.

    Ces deux dernières années, nous avons réalisé les investissements nécessaires à l'accomplissement de nos missions: aménagement de notre halle de création, équipement son et lumière, accroissement significatif de notre équipe salariée. Le niveau d'activité obtenu est le résultat de l'engagement de nombreux bénévoles, salariés, artistes, techniciens et habitants. En la conservant dans le projet de réaménagement de la ZAC Flaubert, La Ville de Grenoble reconnait désormais La Bifurk comme un des lieux de vie incontournable et structurant du secteur 4, et comme un lieu ressource des associations et de la jeunesse de l'agglomération.

    Pour autant, notre activité repose sur un équilibre précaire : notre équipe, passée de trois de sept salariés, s'est surtout construite grâce à des aides à l'emploi, de plus en plus hypothétiques ; les subventions publiques ne représentent plus que 35% de nos ressources en 2010. Toutes les prévisions budgétaires montrent qu'il est impossible de conserver les murs, sans des financements publics accrus pour maintenir l'activité qui s'y développe.

    La pérennité de la Bifurk dépend désormais du soutien de la Ville de Grenoble à la hauteur de sa reconnaissance affirmée et de nos ambitions partagées.

    Plus précisément, notre développement doit s'appuyer sur :
- l'obtention d'une licence II (débit de boisson), afin d'accroitre nos ressources propres,
- l'investissement dans une solution technique permettant d'améliorer la séparation acoustique des espaces sportifs et culturels,
- l'augmentation de la subvention de fonctionnement de 40 000 € à 70 000 € annuels pour équilibrer un budget rendu fragile par le déficit de financement global.

    A ce jour, nous constatons que nos demandes ne sont pas entendues. Le conseil d'administration a par conséquent refusé de s'engager dans une convention triennale pour ces activités sans certitude de pouvoir les maintenir sur cette période.

    Au delà d'une conjoncture économique défavorable à l'investissement dans le secteur culturel et associatif, et au même titre que de nombreux partenaires associatifs auxquels nous nous associons, nous pensons qu'il s'agit de choix politiques courageux à effectuer pour assumer le maintien d'activités jugées pertinentes sur le territoire.

    Nous comptons sur vous pour soutenir la Bifurk dans son devenir. Exprimez- vous dans les commentaires ci dessous et faites connaître cette lettre ouverte dans votre entourage.


    Chaleureusement,
    le Conseil d'Administration de La Bifurk.