Comment faire vivre ce challenge sans tomber dans l'appropriation par un groupe restreint? Comment laisser de la place à des envies et des sensibilités très variées ? Bien d'autres questions se posent au sujet de ces GLOP... En tout cas il s'agit d'une expérimentation à suivre car elle aura sans doute de quoi inspirer d'autres tentatives. En espérant bien sûr qu'elle fasse l'objet d'observation, d'évaluation et de restitutions de ce que "produit" la méthode du point de vue des enjeux de la diversité culturelle, dans un contexte de société où les métissages et hybridations artistiques créent sans cesse de nouvelles formes.
Ci-dessous, un article tiré de Culture Extensive qui éclaire l'aventure, à lire car il pose d'excellentes pierres pour réfléchir sur la question de médiation culturelle, où le rôle de l'institution n'est plus dans l'enseignement d'une excellence artistique, mais dans l'animation d'un débat entre citoyens sur ce qui a valeur culturelle à leurs yeux.
L'article en question
Une expérience particulière de médiation culturelle.
Derrière cette étrange onomatopée se cache en réalité une expérience participative peu banale. Les Groupes Locaux d’Orientation de la Programmation,
ou GLOP, ont été mis en place par le service culturel de la mairie de
Séné dans le Morbihan, suite à la décision de la municipalité de se
doter d’un équipement culturel regroupant une médiathèque, une salle
d’exposition et une salle de spectacle.L’idée est simple et n’a rien de
révolutionnaire selon Mathieu Warin directeur de la culture à Séné:
Faire participer les habitants à la programmation du centre culturel.
Ils auraient ainsi la possibilité de proposer des spectacles, des
expositions, des projections… de manière collective dans une optique de
programmation pour tous.
Les
GLOP sont constitués d’habitants de la commune ou d’ailleurs désireux
de partager des expériences culturelles. Le but étant de faire naître
une réflexion collective autour de la notion de programmation. Pourquoi
en tant qu’habitant je pourrais dire que ce spectacle intéresserait mon
voisin.
Depuis
maintenant plus d’un an que les GLOP fonctionnent Mathieu Warin peut
dresser un premier bilan. La première satisfaction pour la mairie réside
dans la participation de la population, et chose surprenante ce ne sont
pas les champs artistiques les plus accessibles qui remportent le plus
de succès. En témoigne le GLOP danse qui s’avère être l’un des plus
suivi. Cet engagement de la population est d’autant plus intéressant que
beaucoup de participants ne se connaissaient pas entre eux avant la
démarche initiée par la municipalité. L’autre point positif repose sur le
brassage de population au sein des groupes, et même si une certaine
proportion des « glopeurs » sont issus du milieu culturel (artistes,
comédiens, enseignants artistiques…) une partie d’entre eux sont arrivés
complètement néophytes, ce qui est pour le service culturel une des
premières réussites de l’initiative. Enfin on assiste dans les glop à
plusieurs façons de faire où certains vont se spécialiser en ne
participant qu’à un seul type de spectacle alors que d’autres vont
butiner à droite à gauche, ceci reflétant la richesse de la démarche.
Mais
il ne faudrait pas prendre cette belle initiative comme une idée
miracle, et le service ne ferme pas les yeux sur les écueils, encore à
combler. Tout d’abord faire appel aux habitants dans une programmation
peut s’avérer « au mieux un bordel sans nom, aux pires l’idée la plus démagogique qui soit ».
Pour que l’action prenne sens et soit audible il faut l’organiser, la
soutenir et la relayer en lui donnant un rythme et un espace d’échange
afin de s’habituer à découvrir ensemble. Il faut également que le public
des glop se confronte aux professionnels, sans qui l’apprentissage
n’est pas possible. Ainsi à chaque mise en place d’une visite ou d’un
spectacle une rencontre est organisée avec les programmateurs de salle,
les artistes, les conservateurs des musées…
La
démarche souhaite également aller plus loin en proposant par exemple
des stages autour d’une thématique particulière. Grâce notamment à un
partenariat avec l’ADDAV les glopeurs ont pu se plonger dans la
valorisation de la danse, et appréhender une nouvelle façon de voir des
spectacles et de les programmer. Prochainement une rencontre avec la
conservatrice du musée des Beaux Arts de Vannes est prévue afin de
comprendre la notion de conservation, d’exposition et de médiation
autour d’une collection.
L’autre crainte dans une telle initiative c’est de créer un « entre soi »,
que les GLOP génèrent des façons de penser et un clan « glopeurs »
pouvant se considérer sur un piédestal face au reste du public, quant à
la compréhension et la légitimité de parler de culture. Cela ne semble
pas le cas à Séné pour le moment et tout est fait pour éviter ce piège
qui serait « in fine » tout le contraire de la démarche. Si
les GLOP semblent rencontrer un bon échos auprès de la population,
cette idée reste emprunte d’un énorme scepticisme de la part des
professionnels. Sans chercher à créer de nouveaux programmateurs, il
faut comprendre cette initiative véritablement comme une action de
médiation culturelle en perpétuelle évolution et ajustement.
Là
où la crainte des professionnels de la culture et de la programmation
est palpable et compréhensible, il faut cependant y voir une manière
d’éduquer le public non pas à un courant ou un style artistique mais à
une manière de concevoir la programmation et donc à se positionner en
tant que spectateur dans une offre culturelle foisonnante en dépassant
le simple « j’aime, j’aime pas ». Dans cette commande politique de la
part de la municipalité il y a le soucis, précise Mathieu Warin, que le
centre culturel se nourrisse de la paroles des « non-experts » sans pour
autant pointer du doigt le travail des programmateurs de métier, qui
reste nécessaire pour proposer une programmation cohérente.
Même
si la première saison de Grain de Sel, la future salle de la commune,
ne comportent aucun spectacle programmé par les glopeurs, les Groupe
Locaux Orientation de la Programmation auront au moins le mérite de
faire naître chez les habitants une réflexion sur la façon de percevoir
un spectacle pour soi et surtout pour les autres.