Rappelons-nous sa nomination dix ans plus tôt. Yolande Padilla qui dirigea 3 ans le Cargo hors les murs, le temps que les travaux colossaux menant à la MC2 ne s'achèvent, était remerciée pour l'homme que Catherine Tasca, ministre PS de l'époque, voulait introniser. Les hauts élus, PS eux aussi, de la ville de Grenoble, dont le conseil municipal avait félicité trois années consécutives la directrice, privilégiaient le choix d'en haut chez les roses, et retournaient leur veste pour accueillir le prophète Orier.
Qu'en sera-t-il aujourd'hui? On peut penser que les hautes sphères de la rose ont déjà des noms en tête; laissons leur un peu de temps pour se mettre d'accord et nous dévoiler leur nouveau poulain. Mais je me demandais... liraient-ils seulement les candidatures de gens "comme moi" ? En tout cas, on a assez l'occasion de râler de la vision de la culture que la MC2 incarne, et d'y désobérir de mille petites façons quotidiennes.
Alors si, comme Les Désobéissants et Xavier Renou, on choisissait de Désobéir par le rire (à lire aux éditions "Le passager clandestin") et de s'amuser un peu! Avec un certain plaisir, je vous partage ci-dessous la lettre de motivation que je leur ai préparé.
Ma lettre de motivation:
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Grenoble, le 12 septembre
2012,
A l'attention de Messieurs
- le Président de la MC2,
- le Président de la MC2,
- le Directeur Régional des Affaires Culturelles Rhône-Alpes,
- le Maire de Grenoble, Hôtel de Ville,
- le Maire de Grenoble, Hôtel de Ville,
- le Président du Conseil Général,
- le Président du Conseil Régional Rhône-Alpes,
- le Président du Conseil Régional Rhône-Alpes,
Je vous fais parvenir
avec un léger retard ma candidature au poste de directeur de la MC2.
Celle que nous connaissons tous comme la première Scène Nationale
en terme de budget, et probablement l'une des toutes premières en
terme de fréquentation, fait face à un énorme challenge :
prendre la relève d'une décennie de travail menée par Michel
Orier. A l'évidence, il a créé un rayonnement tel qu'elle se place
en haut de tous les classements. Pour le plus grand plaisir de
certains, il a su aisément s'imposer face à ces homologues
nationaux au jeu de « qui a la plus grosse ».
Aujourd'hui, à l'heure
de nommer un nouveau directeur, vous le savez mieux que moi: cette
course à la création et à la diffusion d’œuvres qui, dans une
tradition malrucienne, se voudraient capitales de l'humanité et
emplies d'une prétention civilisatrice qui nous élève loin de la
barbarie, relègue à la marge de nombreux acteurs culturels qui doivent
assumer avec peu de moyens la lourde responsabilité de la démocratie
et de la diversité culturelles.
Nous avons besoin d'une
politique culturelle intégratrice, capable de relever les enjeux
actuels d'une société divisée et productrice d'exclusions, qui
tirerait les fondements de sa réussite dans sa capacité à donner à
chaque habitant la reconnaissance de son identité culturelle dans la
sphère publique. Nous y parviendrons en travaillant au brassage
d'identités urbaines et rurales, traditionnelles et émergentes,
régionales et immigrées, dans le respect de la diversité qui
compose la France et également le bassin grenoblois.
Bien heureusement,
Grenoble foisonne d'initiatives culturelles et notre mission n'en
sera que facilitée. En impliquant les acteurs locaux, nous saurons
construire une programmation diversifiée dans les esthétiques
artistiques proposées. Nous saurons également construire un projet
culturel où la place de la population ne sera plus seulement celle
de spectateur, mais aussi celle d'artiste et de programmateur, en
leur ouvrant les espaces de la MC2. Nous pourrons compter également
sur ceux qui ont vécu l'époque du Cargo hors les murs et sous la
direction de Yolande Padilla, dont le travail avait été reconnu
pour sa capacité à tisser des liens avec les acteurs sociaux,
culturels et socio-culturels du territoire.
Cette approche demandera
une capacité de défrichage et d'expérimentation afin de construire
les règles qui régiront le fonctionnement futur d'une MC2
pleinement appropriée pas les citoyens. Or la puissance d'action de
la MC2 grâce à ses 46 salariés techniques et administratifs nous
permettra amplement d'assumer cette charge. Des équipes de recherche
ont par ailleurs prospecté sur le terrain les projets culturels à
la recherche de bonnes pratiques allant dans le sens de la
déclaration universelle de l'Unesco sur la diversité culturelle.
Notre chemin sera éclairé par leurs travaux, comme ceux de
l'observatoire des politiques culturelles autour de l'agenda 21 de la
culture. D'autres publications, comme l'ouvrage « Pour une
autre économie de l'art et de la culture », mené par des
acteurs représentatifs du secteur culturel au sein de l'Ufisc,
nourriront également la réflexion.
Comme je vous le
concédais au début de cette lettre de motivation, le challenge est
bien énorme. La MC2 s'est façonnée en dix ans à l'image d'une
entreprise marchande qui fait concurrence aux entrepreneurs du
spectacle; ses services communication ont su envahir l'espace public
grenoblois et sa presse locale de publicités, sa billetterie a
épuisé tous les circuits de distribution possibles, et ses produits
sont sélectionnés dans cette nébuleuse des créations
contemporaines reconnues. Sortir de cette logique et redonner des
missions de service public à la MC2 est donc la mission que je serai
heureux d'accomplir à vos côtés.
Je vous prie de croire,
Monsieur l'élu, que je partage votre volonté d'aller non plus vers
une excellence artistique, mais bien vers une excellence démocratique
de la question culturelle.
Dans l'attente d'un
entretien prochain,
Paul *****