L'après Orier et ma candidature à la direction de la MC2

L'info a déjà fait son chemin, Michel Orier a quitté la direction de la MC2 pour des responsabilités ministérielles. En toute logique, son poste vacant a fait l'objet d'une offre d'emploi.

Rappelons-nous sa nomination dix ans plus tôt. Yolande Padilla qui dirigea 3 ans le Cargo hors les murs, le temps que les travaux colossaux menant à la MC2 ne s'achèvent, était remerciée pour l'homme que Catherine Tasca, ministre PS de l'époque, voulait introniser. Les hauts élus, PS eux aussi, de la ville de Grenoble, dont le conseil municipal avait félicité trois années consécutives la directrice, privilégiaient le choix d'en haut chez les roses, et retournaient leur veste pour accueillir le prophète Orier.

Qu'en sera-t-il aujourd'hui? On peut penser que les hautes sphères de la rose ont déjà des noms en tête; laissons leur un peu de temps pour se mettre d'accord et nous dévoiler leur nouveau poulain. Mais je me demandais... liraient-ils seulement les candidatures de gens "comme moi" ? En tout cas, on a assez l'occasion de râler de la vision de la culture que la MC2 incarne, et d'y désobérir de mille petites façons quotidiennes.

Alors si, comme Les Désobéissants et Xavier Renou, on choisissait de Désobéir par le rire (à lire aux éditions "Le passager clandestin") et de s'amuser un peu! Avec un certain plaisir, je vous partage ci-dessous la lettre de motivation que je leur ai préparé.


Ma lettre de motivation:
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Grenoble, le 12 septembre 2012, 
A l'attention de Messieurs
- le Président de la MC2, 
- le Directeur Régional des Affaires Culturelles Rhône-Alpes,
- le Maire de Grenoble, Hôtel de Ville, 
- le Président du Conseil Général,
- le Président du Conseil Régional Rhône-Alpes,

Je vous fais parvenir avec un léger retard ma candidature au poste de directeur de la MC2. Celle que nous connaissons tous comme la première Scène Nationale en terme de budget, et probablement l'une des toutes premières en terme de fréquentation, fait face à un énorme challenge : prendre la relève d'une décennie de travail menée par Michel Orier. A l'évidence, il a créé un rayonnement tel qu'elle se place en haut de tous les classements. Pour le plus grand plaisir de certains, il a su aisément s'imposer face à ces homologues nationaux au jeu de « qui a la plus grosse ».

Aujourd'hui, à l'heure de nommer un nouveau directeur, vous le savez mieux que moi: cette course à la création et à la diffusion d’œuvres qui, dans une tradition malrucienne, se voudraient capitales de l'humanité et emplies d'une prétention civilisatrice qui nous élève loin de la barbarie, relègue à la marge de nombreux acteurs culturels qui doivent assumer avec peu de moyens la lourde responsabilité de la démocratie et de la diversité culturelles.

Nous avons besoin d'une politique culturelle intégratrice, capable de relever les enjeux actuels d'une société divisée et productrice d'exclusions, qui tirerait les fondements de sa réussite dans sa capacité à donner à chaque habitant la reconnaissance de son identité culturelle dans la sphère publique. Nous y parviendrons en travaillant au brassage d'identités urbaines et rurales, traditionnelles et émergentes, régionales et immigrées, dans le respect de la diversité qui compose la France et également le bassin grenoblois.

Bien heureusement, Grenoble foisonne d'initiatives culturelles et notre mission n'en sera que facilitée. En impliquant les acteurs locaux, nous saurons construire une programmation diversifiée dans les esthétiques artistiques proposées. Nous saurons également construire un projet culturel où la place de la population ne sera plus seulement celle de spectateur, mais aussi celle d'artiste et de programmateur, en leur ouvrant les espaces de la MC2. Nous pourrons compter également sur ceux qui ont vécu l'époque du Cargo hors les murs et sous la direction de Yolande Padilla, dont le travail avait été reconnu pour sa capacité à tisser des liens avec les acteurs sociaux, culturels et socio-culturels du territoire.

Cette approche demandera une capacité de défrichage et d'expérimentation afin de construire les règles qui régiront le fonctionnement futur d'une MC2 pleinement appropriée pas les citoyens. Or la puissance d'action de la MC2 grâce à ses 46 salariés techniques et administratifs nous permettra amplement d'assumer cette charge. Des équipes de recherche ont par ailleurs prospecté sur le terrain les projets culturels à la recherche de bonnes pratiques allant dans le sens de la déclaration universelle de l'Unesco sur la diversité culturelle. Notre chemin sera éclairé par leurs travaux, comme ceux de l'observatoire des politiques culturelles autour de l'agenda 21 de la culture. D'autres publications, comme l'ouvrage « Pour une autre économie de l'art et de la culture », mené par des acteurs représentatifs du secteur culturel au sein de l'Ufisc, nourriront également la réflexion.

Comme je vous le concédais au début de cette lettre de motivation, le challenge est bien énorme. La MC2 s'est façonnée en dix ans à l'image d'une entreprise marchande qui fait concurrence aux entrepreneurs du spectacle; ses services communication ont su envahir l'espace public grenoblois et sa presse locale de publicités, sa billetterie a épuisé tous les circuits de distribution possibles, et ses produits sont sélectionnés dans cette nébuleuse des créations contemporaines reconnues. Sortir de cette logique et redonner des missions de service public à la MC2 est donc la mission que je serai heureux d'accomplir à vos côtés.

Je vous prie de croire, Monsieur l'élu, que je partage votre volonté d'aller non plus vers une excellence artistique, mais bien vers une excellence démocratique de la question culturelle.

Dans l'attente d'un entretien prochain,
Paul *****

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