Culture et développement durable, le cas des festivals

Puisque nous baignons dans les questionnements existentiels autour du développement durable, je vous propose ici de procéder à la comparaison de deux festivals sous l'angle de leurs impacts sociaux, économiques et environnementaux: le Festival de Transe Hadra produit par l'association grenobloise du même nom, et le festival Jazz à Vienne géré en EPIC (Etablissement Public à caractère Industriel et Commercial) par la communauté de commune des pays Voironnais. Nous n'aurons ici aucun jugement sur les valeurs esthétiques, seulement sur le hors-artistique ; je m'attacherai à justifier la pertinence d'un tel postulat dans un futur article (NDLR: 4avr 2012: ca y est, lisez ici pourquoi ne pas évaluer la qualité artistique).


Ayant participé à ces deux évènements en ce début juillet, je vous partage mes observations. Du point de vue de la gestion environnementale, Hadra, qui organise son festival en plein parc naturel du Vercors, a installé des toilettes sèches sur tout le site, distribué gratuitement des cendriers de poche aux festivaliers, utilisé des gobelets consignés pour le public et de la vaisselle non jetable pour le staff, mis en place des solutions de transport collectif pour venir au festival, affrété des navettes pour se rendre du parking au site, et récupéré les eaux usagés dans des citernes spécialement prévu... Ouf, rien que ça! ils méritent bien leur Greener award qui récompense les festivals européens les plus éco-responsables. Jazz à Vienne de son côté a eu recours aux classiques toilettes en Algeco et vendait les boissons dans des verres jetables ; pas de démarches éco-responsable particulière .

Si on en vient à la consommation sur site, à nouveau l'association grenobloise se démarque et nous donne un exemple de dynamique économique locale. La vente de nourriture était confiée à des commerçants locaux, à des artisans servant des plats « maison », ou ayant des démarches culinaires raffinées, avec une grande diversité culturelle dans les inspirations ; ainsi Hadra délivre une nourriture de qualité aux festivaliers, et crée un développement économique de proximité. Quant aux buvettes du festival, elles vendaient exclusivement des bières locales et artisanales, La Mandrin et la Vercors, et était confiées à des associations de musiques actuelles de l'agglomération grenobloise, leur offrant par la même occasion une rentrée exceptionnelle de ressources propres, sécurisante pour la tenue de leur activité en des temps budgétaires difficiles. Voici une vision très solidaire de l'utilisation des richesses générées.

Cet aspect est sans doute celui qui m'a le plus choqué sur Jazz à Vienne : de la Bière Kronenbourg vendue à 3€ le demi ( 2,50 la mandrin a Hadra), aucune boisson de l'agriculure locale ou équitable. Une restauration manquant de respect au public : des sandwich à 5€ avec une demi-baguette à peine remplie d'une tranche de jambon et des traces de beurre, ou des petites salades à peine garnies d'autres ingrédients au même prix ; et pour avoir goûté je garantie que ce ne sont pas des produits de petits producteurs ! Le tout géré par des bénévoles qui auront en contrepartie des invitations pour le festival. La mal bouffe ultra-profitable, voilà le choix de Jazz à Vienne !


Le bilan se résume assez facilement: d'un côté, une association, Hadra, qui adopte un développement solidaire en lien avec d'autres assos, équitable avec l'économie locale, et environnemental irréprochable. De l'autre, un établissement public, Jazz à Vienne, qui ignore les enjeux de société actuels.


« Comment une association de 2 salariés et plusieurs dizaines de bénévoles parvient-t-elle à répondre à tant d'enjeux des politiques publiques (développement économique local, dynamiques partenariales et solidaires, engagement et participation bénévole, développement durable, diversité culturelle) alors qu'une équipe para-publique, accompagnée et subventionnée par tous les échelons des collectivités, snobe les enjeux qu'elles sont censées porter en leur sein ?! » Tacher d'y répondre met en évidence l'énorme difficulté qu'ont les collectivités à travailler transversalement entre des services aux missions diverses.


Le plus incroyable nous apparaît alors quand on sait que les positions sont inversées concernant l'écart tout aussi énorme de subventions entre ces deux projets culturels (il faudrait que je me procure les chiffres exacts...). Un nouveau travers des collectivités apparaît alors : l'immobilisme des politiques culturelles basées sur une hiérarchie non assumée de la valeur, entretenant des domaines artistiques précaires et non reconnus à côté de domaines légitimes bien lotis.



Notes a posteriori :
2 semaines se sont passées depuis la rédaction de cet article et d'autres festivals ont subi mon oeil inquisiteur : une mention très bien aux rencontres Brel de St Pierre de Chartreuse pour leurs produits locaux de qualité, et la gestion écologique du site.
Carton rouge à la Ville de Grenoble et au cabaret frappé, qui ne font pas mieux que Jazz a Vienne.